La prime au mensonge

“In this age, in this country, public sentiment is everything. With it, nothing can fail; against it, nothing can succeed. Whoever molds public sentiment goes deeper than he who enacts statutes, or pronounces judicial decisions.” – “Le sentiment public est tout. Avec lui, rien ne peut échouer ; contre lui, rien ne peut réussir. Celui qui façonne le sentiment public va plus loin que celui qui édicte des lois ou prononce des décisions judiciaires“.

Le 21 Août 1858, le républicain Abraham Lincoln débattait à Ottawa avec Stephen Douglas dans le cadre de l’élection au sénat de l’Illinois, premier discours d’une série de sept qui ont donné à Lincoln une part de sa stature ultérieure.

Abraham Lincoln combattait l’indifférence de Douglas au sujet de l’esclavage, indifférence qui selon lui conduirait le peuple à voter pour l’esclavage. Il ne pouvait donc y avoir d’indifférence que si la conviction était de faire perdurer l’esclavage. Il s’appuyait sur le fait que selon lui, le sentiment public est tout, et que par conséquent, l’homme politique doit agir pour générer un sentiment public contre l’esclavage et en préparer l’abolition.

Plus d’un siècle et demi après, ce sentiment public est aujourd’hui la proie rêvée de la manipulation. Les vérités alternatives de Donald Trump largement médiatisées au travers de son compte Twitter ont créés des réalités alternatives dans lesquelles vivent maintenant une large partie de la population américaine (mais pas seulement). Les mensonges sont devenus des faits comme les autres, indissociables et inextricables des faits objectifs. L’objectivité n’est plus. Les émotions, les croyances personnelles, le ressenti ont dorénavant plus d’importance dans la construction de la vérité que la matérialité des faits.

La perquisition récente de Mar-a-Lago, résidence d’été de Donald Trump, vient rappeler la toxicité pour la société de cette dématérialisation des faits. Il suffit que Donald Trump énonce que le FBI pourrait placer ce qu’il veut dans les cartons de documents emportés pour que plus rien d’incriminant ne puisse sortir d’eux. Il suffit de dire qu’il s’agit d’un complot pour que cela le devienne. En cela, le manque de réactivité et de communication constitue une faute lourde d’appréciation (cf. Christophe Lachnitt dans « le fiasco de communication de l’administration Biden »).

« L’allégorie de la caverne » (dans »La République ») de Platon nous laisse imaginer que la vérité a toujours été en lutte contre le mensonge. Mais aujourd’hui, la diffusion du mensonge (mais aussi de la vérité) est amplifiée et simplifiée par les réseaux sociaux. Par ailleurs, le mensonge qui permet de se révolter, de soupçonner la manipulation, le complot, trouve une caisse de résonnance particulièrement efficace dans ces réseaux, puisqu’il contribue à la popularité.

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